Tu vas où? Tuvalu! Au coeur du patrimoine alimentaire de l’un des pays les moins visités au monde.

Publié : 17 mars 2023

Pourriez-vous indiquer Tuvalu sur une carte du monde ?

En plein milieu de l’océan Pacifique Sud entre l’Australie et Hawaï, Tuvalu est “l’une des nations les plus petites et les plus isolées du monde”.

Cette destination oubliée n’a accueilli que 2700 visiteurs en 2018 et 3600 visiteurs en 2019. À titre de comparaison, la France, l’une des premières destinations touristiques au monde, a enregistré près de 218 millions d’arrivées de touristes internationaux en 2019.

Avec seulement 25 km2 de superficie et une population de plus de 11 000 habitants, cette petite nation insulaire reste rarement évoquée dans les médias, sauf lorsqu’il s’agit de changement climatique.

Tuvalu a fait la Une des journaux en 2021 lorsque Simon Kofe, ministre de la Justice, de la Communication et des Affaires étrangères de Tuvalu, a prononcé un discours à la COP26 les jambes dans l’eau.

D’après un article publié par The Guardian en 2019, “déjà, deux des neuf îles de Tuvalu sont sur le point de sombrer, selon le gouvernement, englouties par l’élévation de la mer et l’érosion côtière.” L’écrit souligne que “la plupart des îles se situent à peine à trois mètres au-dessus du niveau de la mer (…).”

Or, il demeure des sceptiques à ce sujet dont le Dr Bjørn Lomborg, auteur et président du Copenhagen Consensus Center, qui met l’accent sur des études remettant en question les perceptions de perte des îles.

Cela dit, une étude publiée en 2022 par Tui et Fakhruddin met en évidence les préoccupations des habitants de Tuvalu concernant l’impact de la hausse des températures et de l’acidification des océans sur les ressources marines.

Savais-tu? Tuvalu a obtenu son indépendance en 1978. Ce petit archipel insulaire est le 38e membre du Commonwealth. Sa capitale, Funafuti, abrite le seul aéroport du pays.

Avec des terres très limitées et une rareté d’eau douce, Tuvalu dépend fortement d’autres pays, dont “l’Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande et les îles Fidji” pour une large gamme d’aliments importés.

Selon une recherche publiée en 2019 et impliquant 120 hommes et femmes de Tuvalu, un changement est en cours “d’une alimentation équilibrée d’aliments locaux à une alimentation riche en glucides et en protéines avec une dépendance accrue aux aliments importés (transformés et en conserve)”.

Credit: https://livelearn.org/assets/media/docs/resources/Tuvalu_RAP_FoodSec_Lowres.pdf

Dans un article de 2022 publié par Lin et. al., il a été révélé que “près de 90 % des résidents de l’île principale ont identifié le riz comme leur aliment de base, contre environ 50 % dans les îles périphériques dont le régime alimentaire comprenait principalement des aliments domestiques tels que le taro des marais, le taro ou l’arbre à pain”. De plus, “les résidents de l’île principale consommaient du poulet plus fréquemment et du poisson moins fréquemment que les insulaires périphériques”.

En outre, Tui et Fakhruddin (2022) ajoutent que “les Tuvaluans dépensent un tiers de leurs revenus en produits importés, notamment du poulet, du riz, du sucre et des biscuits”.

Avec des taux croissants d’obésité et de diabète, une valorisation des pratiques culinaires traditionnelles s’impose. Or, qu’est-ce qui définit la cuisine traditionnelle tuvaluane? Quel sont les produits alimentaires phares prisés par les locaux de cette petite île oubliée?

Les aliments traditionnels consommés à Tuvalu

Le POISSON est certainement l’un des principaux aliments de base des habitants de Tuvalu. Les insulaires ont certainement perfectionné l’art de la chasse en mer. Dans son livre “The Material Culture of Tuvalu“, l’anthropologue culturel Gerd Koch précise que “les hommes de Nukufetau ont 47 façons différentes façons d’attraper 112 familles et espèces de poissons”.

Ces méthodes de chasse comprennent la pêche à mains nues et au filet à main, la pêche au harpon et la pêche au chalumeau. Les experts en pêche (appelés “tautai”) acquièrent généralement leurs connaissances par transmission générationnelle.

Selon le ministère néo-zélandais des affaires étrangères et du commerce, “le secteur de la pêche contribue jusqu’à 60% des recettes publiques”.

Poisson volant, bonite, albacore et carangue ne sont que quelques-unes des espèces de poissons qu’on retrouve à Tuvalu. Le poisson peut être mangé, entre autres, cru, façon sashimi (tel qu’il a été servi au duc et à la duchesse de Cambridge lors de leur visite officielle en 2012) ou cuit dans des currys à la noix de coco. Des plats tels que le THON AU LAIT DE COCO marient parfaitement l’onctuosité de la noix de coco au goût exclusif des produits de la mer.

Afin de maintenir la fraîcheur du poisson pêché, les insulaires utilisent la technique du salage à sec, un procédé très ancien de conservation qui consiste à recouvrir la surface de l’aliment avec du sel sec de qualité alimentaire. Ainsi, en réduisant la teneur en eau, le poisson peut être conservé jusqu’à deux mois. D’après Melesete Taoa, une sexagénaire de Funafuti, le POISSON SALÉ est appelé “ikamasima”.

Le CRABE est une autre source importante de protéines pour les Tuvaluans, et ce en particulier lorsque le temps est orageux et que la pêche est impossible. La chair de crabe est généralement mijotée dans de la crème de noix de coco.

Les habitants de Tuvalu incorporent également des OEUFS DE TORTUES et de la VIANDE D’OISEAUX SAUVAGES dans leur alimentation. À propos, l’île abrite 21 espèces d’oiseaux différentes, dont le Noddi brun, le Noddi à tête blanche et le pluvier doré du Pacifique. Les méthodes de capture d’oiseaux sont multiples, allant des filets aux collets.

Enfin, en ce qui concerne les animaux d’élevage, l’archipel compte principalement des races locales de porcs, de poulets et de canards.

La NOIX DE COCO est un autre incontournable qu’on retrouve dans presque tous les plats de la région. En plus de sa pulpe, la noix de coco procure également une coquille que les locaux transforment en récipient de nourriture. Par ailleurs, l’eau de coco demeure l’une des boissons les plus populaires de Tuvalu.

La noix de coco fait même apparition dans les produits de boulangerie y compris le PAIN LOCAL appelé “Fausi“. On retrouve également du vin de palme dans plupart des VIENNOISERIES LOCALES. Cette boisson alcoolisée, obtenue par fermentation naturelle, est très appréciée par les locaux pour son pouvoir sucrant.

Le patrimoine culinaire de l’archipel valorise aussi les NOIX DE COCO GERMÉES, qui offrent une saveur terreuse à une variété de soupes et de plats enfournés.

Introduit pour la première fois par les Européens après la découverte des îles, le FRUIT À PAIN est un fruit volumineux et très polyvalent avec une texture semblable à celle de la pomme de terre et des valeurs nutritionnelles très appréciées.

Naturellement riche en glucides complexes, le fruit à pain fournit des quantités importantes de vitamines B1, B3, A et C. Il est également une source de potassium, de calcium et de magnésium. Par ailleurs, il suffit d’une demi-tasse de fruit à pain pour fournir jusqu’à 4 g de protéines complètes, à savoir des protéines qui contiennent les 8 acides aminés indispensables à l’Homme.

Selon une étude de 2020, “l’arbre à pain est une culture de base traditionnelle des îles du Pacifique avec le potentiel non seulement d’améliorer la sécurité alimentaire mondiale mais aussi d’atténuer le diabète”, et ce en raison de son faible indice glycémique et de sa densité nutritionnelle. Il existe des centaines de variétés de fruits à pain et chaque arbre à pain peut produire jusqu’à 150 fruits par an!

Afin de préparer un bon PUDDING AUX FRUITS À PAIN (appelé Solomei“), il suffit d’avoir en main des fruits à pain cuits et pelés, de la crème de noix de coco, de la farine et du vin de palme. Cette petite gourmandise peut être servie avec une sauce à la noix de coco. Le “Solomei” se marie aussi à merveille avec du poisson salé.

À Tuvalu, le fruit à pain s’utilise aussi dans les recettes de soupes, de plats à base de thon, et de desserts dont le “Fuaniu Mei tata” ou “arbre à pain grillé et noix de coco”. À l’île de Vaitupu, les femmes servent des fruits à pain grillés avec une trempette à l’oignon et à la crème de noix de coco appelée “Miti“.

Impossible de parler de cuisine polynésienne sans mentionner le TARO, ce tubercule à la peau rugueuse et brune. Contrairement aux autres légumes-racines, le taro est assez périssable. Ainsi, pour remédier à ce problème, les Tuvaluans transforment le surplus en pâte fermentée.

Les FEUILLES DE TARO font aussi bon usage en cuisine pour envelopper une variété de préparations alimentaires, dont le “Palusami”, un plat très savoureux à base de corned-beef, d’oignons et d’une sauce à la crème de noix de coco. Les Tuvaluans les utilisent également pour faire du “Lautalo Fakalolo Mo Ika“, une purée agrémentée de thon râpé et de crème de noix de coco. Les feuilles de taro sont connues pour être riches en protéines et en fibres alimentaires.

Parlant de taro, avez-vous déjà entendu parler du « taro géant des marais » ? Également connue sous le nom de PULAKA, cette plante comestible, d’une grande importance culturelle, est cultivée dans des fosses profondes remplies d’eau douce et “entretenue par des familles au fil des générations“.

Les bulbes de Pulaka sont généralement cuits dans un four en terre afin d’être pelés et prêts à consommer.

Le pulaka râpé est un ingrédient clé dans la recette du pudding sucré “Fekei Pulaka“. Après avoir été pilé, le pulaka râpé est combiné à du vin rouge de noix de coco bouilli pour créer une pâte. Puis, des petites boules de pâte sont façonnées et enveloppées dans des feuilles avant d’être cuites à la vapeur pendant quelques heures dans un four en terre. Une fois cuites, les boules pulaka-noix de coco sont servies dans de la crème de coco.

Dans l’île de Niutao, les femmes préparent le “Tulolo“, un plat parfumé qui associe de la crème de coco réchauffée et du pulaka cuit et pelé (battu à plat à l’aide d’un lourd maillet en bois). La purée de pulaka est également incorporée dans des plats tels que le “Tagana Pulaka” (alias “tarte au pulaka”).

Plante exotique aux allures de palmier, le PANDANUS est prisé pour ses feuilles, fruits et racines, qui peuvent être consommées crues ou cuites à la vapeur. Les fruits de pandanus, appelés “fala” par les natifs, contiennent des quantités importantes de calcium, de vitamine C et de bêta-carotène (un précurseur de la vitamine A).

On utilise souvent des FEUILLES DE PANDANUS pour emballer et parfumer de nombreuses préparations culinaires dont le “Fakapulu” (un pain fait à base de farine, de noix de coco et de vin de palme). En plus d’avoir un certain nombre d’utilisations médicinales locales, ses feuilles, longues et fines, servent également à tisser des paniers et des nattes.

Les Tuvaluans se régalent aussi de PATATES DOUCES, de FIGUES locales et d’ASIMINES. À Funafuti, la soupe d’asimine est préparée avec des fruits de l’asiminier, de la farine, de la crème de coco et de l’eau. Des petits jardins à Funafuti fournissent également d’autres produits frais tels que les citrouilles, les concombres, le chou, les épinards, le radis blanc, le poireau et le céleri.

Niveau dessert, on ne peut pas se tromper avec les BEIGNETS DE BANANE, très souvent aromatisés à la noix de coco. Les bananes vertes font partie intégrante de nombreuses petites gâteries locales, dont le “Banana Lolo Delight” et le “Banana Fudge”.

Les feuilles de bananier sont un outil de cuisine très pratique permettant d’emballer de la nourriture à cuire à la vapeur ou à griller et de prévenir le dessèchement.

On Cuisine Tuvaluane Ce Soir?

En 2022, un livre de recettes tuvaluanes numérique a été publié dans le cadre du Tuvalu Food Futures Project. L’objectif? “Aider à préserver les connaissances alimentaires et l’identité culturelle indigènes (de Tuvalu)“.

Le livre de cuisine s’intitule “Tapa Aka Tou Alo”, qui se traduit par “Venez manger quelque chose”. Financé par le ministère australien des Affaires étrangères et du Commerce, ce livre de recettes donne un avant goût de la cuisine traditionnelles des femmes locales originaires de diverses îles de l’archipel.

Vous pouvez trouver le livre de recettes (disponible gratuitement) ici.

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