L’expérience d’une migraineuse: “La thermothérapie est un incontournable pour moi”

Publié : 26 février 2024

Voici une auto-interview que j’ai réalisée pour partager mon expérience personnelle avec les migraines. J’espère qu’elle permettra de mieux saisir les défis quotidiens auxquels font face les personnes souffrant de migraines chroniques et offrira un peu d’aide à ceux qui en ont besoin.

Q : Quand avez-vous réalisé que vous souffriez de migraines ?

R: J’ai été diagnostiquée il y a un peu plus de trois ans. Mes premiers symptômes sont apparus quelques semaines après avoir commencé un nouveau travail. C’était mon premier emploi à plein temps après mes études donc j’étais encore très excitée à l’idée d’enfin entamer ma carrière professionnelle.

Tout a commencé avec une raideur et une chaleur inexpliquée au niveau de ma nuque. Cet inconfort s’accompagnait très souvent d’une pression derrière mon œil gauche. Lorsque je travaillais sur mon ordinateur, mes paupières étaient souvent chaudes et lourdes. À l’époque, je pensais ressentir de la fatigue oculaire, mais cela a très vite dégénéré. C’est devenu un vrai calvaire lorsque j’ai été confrontée à des maux de tête intenses. Je parle de six à huit heures de douleurs continues presque tous les jours.

Les week-ends, j’essayai de garder une ambiance calme et tamisée à la maison et je faisais la sieste régulièrement. Mais c’était beaucoup plus compliqué à gérer en semaine. Quand la douleur devenait insupportable, je prenais du Doliprane et je passais mon temps à me réfugier dans la salle de bain pour laver mon visage et mon cou à l’eau froide.

Un jour, je me suis retrouvée à l’hôpital. Après plusieurs heures d’attente et quelques examens, on a fini par me renvoyer chez moi avec des antalgiques et une place sur la liste d’attente pour une IRM (imagerie par résonance magnétique). Heureusement, au bout de quelques semaines, j’ai été convoquée pour l’examen de radiologie. Lorsqu’on a reçu les résultats, j’étais soulagée d’apprendre qu’il n’y avait aucune anomalie dans mon cerveau. C’est à ce moment-là que mon médecin m’a diagnostiquée avec des migraines chroniques.

Q : Comment se manifestent vos migraines?

R: Pour moi, c’est une combinaison de brouillard cérébral et de pression intense dans la tête. C’est un peu comme un ordinateur qui surchauffe. On se sent chaud et on a beaucoup de mal à se concentrer. C’est beaucoup d’inconfort et on devient hypersensible aux bruits et à la lumière. On a tout simplement envie de se réfugier dans une pièce sombre et calme.

Q : Savez-vous ce qui a causé vos migraines?

R: Pas vraiment. J’ai reçu différents avis à ce sujet, mais je ne sais toujours pas pourquoi j’ai développé des migraines aussi soudainement. Il pourrait y avoir un facteur génétique et on m’a également dit que les changements hormonaux et l’hygiène de vie peuvent jouer un rôle important dans la sévérité des crises de migraine.

Aussi, de façon tout à fait anecdotique, je pense que mes migraines sont en quelque sorte liées à mon SCI (syndrome du côlon irritable). Bien avant mes migraines, je me souviens d’avoir discuté avec un médecin urgentiste à Paris concernant mon SCI. Il avait mentionné que la douleur dans mon abdomen pouvait éventuellement s’exprimer ailleurs dans mon corps. J’étais très étonnée, car on ne m’avait jamais dit ça auparavant. J’y repense beaucoup maintenant. Lorsque j’ai une migraine, je n’ai pas de douleurs au ventre et vice versa. Il y a aussi plusieurs déclencheurs en commun entre les migraines et le SCI. Mais qui sait? Je n’ai aucune certitude. Tout ce que je sais c’est qu’il existe des études publiées qui suggèrent que les patients atteints du SCI sont plus susceptibles de souffrir de migraines.

Q : Combien de temps peut durer une migraine?

R : Ça dépend. Parfois quelques heures, parfois quelques jours. Ça varie vraiment d’une personne à l’autre. Vous ne pouvez pas imaginer comme c’est difficile à expliquer à un employeur. C’est une situation très frustrante pour les deux parties.

Q : Qu’est-ce qui est le plus difficile pour vous à surmonter?

R : La douleur chronique. Quand on a très mal, on ne se soucie plus pour le reste, on veut juste avoir un moment de répit. C’est physiquement et psychologiquement éprouvant. Mais on cultive aussi beaucoup d’humilité parce qu’on est amené à se voir avec toutes ses vulnérabilités, sans aucun artifice.

Q : Qu’en est-il des traitements médicaux?

R : À ma connaissance, il n’existe aucun remède contre les migraines chroniques. Il n’y a que des traitements qui permettent de soulager la douleur et parfois même de réduire la fréquence des épisodes migraineux. Au cours de mes recherches, j’ai été surprise de constater à quel point ce trouble neurologique est encore très peu compris.

Au tout début, on m’a prescrit des antalgiques très puissants à prendre en prévision d’une migraine. Après deux prises, j’ai décidé d’arrêter, car ce n’était pas une solution durable pour moi. Je m’inquiétais aussi pour les effets secondaires. Et je ne mentionne même pas le coût des pilules. C’était inconcevable de poursuivre comme ça.

Q : Vos migraines impactent-t-elles vos relations avec les autres?

R : Je suis chanceuse d’avoir des gens compréhensifs et plein d’amour dans ma vie. Mais c’est toujours plus complexe dans le cadre professionnel. Je pense que la majorité d’entre nous souffrent de cette pression et vitesse qu’on nous impose pour “réussir” dans nos sociétés modernes. Plusieurs circonstances de vie peuvent nous amener à ne plus pouvoir suivre le rythme de la collectivité et à finir dans l’oubli. On se sent indigne, car on n’arrive pas à répondre aux attentes de son entourage. C’est une réalité que plusieurs milliers de personnes affrontent au quotidien et c’est bien dommage.

Q : Comment soulagez-vous vos migraines ? Avez-vous des astuces pour les soigner?

R : Oui. J’ai quelques astuces pour aider à réduire l’intensité de mes épisodes migraineux:

  1. J’utilise des compresses froides pour refroidir ma nuque, mes yeux et mon front. C’est très efficace en début de migraine. Personnellement, j’utilise des masques en gel avec des trous pour les yeux. Ils sont toujours dans un sac ziploc au congélateur, prêts à être utilisés.
  2. Une autre astuce un peu étrange, mais très efficace est celui des glaces à l’eau. J’en mange une pendant une migraine pour aider à dissiper le surplus de chaleur interne. Une autre option est de laisser des glaçons fondre dans la bouche. La thermothérapie est un incontournable pour moi. Lorsque je refroidis mon corps, je constate une nette amélioration de mon état de santé. Parfois, je vais même rincer mes cheveux à l’eau froide pendant quelques minutes. Si c’est l’hiver, j’essaye d’ouvrir une fenêtre et de respirer de l’air frais pendant quelques minutes pour soulager mon malaise.
  3. Si je souffre particulièrement de raideurs musculaires, j’opte pour une douche chaude. Il m’arrive d’ailleurs de prendre des douches et des bains dans l’obscurité pour permettre à mes yeux de se détendre complétement.
  4. Bien sûr, qui dit migraine, dit repos dans le calme et l’obscurité. Un moment de solitude dans une pièce sombre et sans bruits est toujours très bénéfique. Si je dois absolument travailler sur l’ordinateur, je porte des lunettes de soleil pour aider à soulager la fatigue oculaire. Il m’arrive aussi de faire quelques étirements, tout en douceur, pour m’aider à me détendre et favoriser une meilleure posture.
  5. Une autre bonne astuce est de prendre quelques gorgées de café. La caféine n’a pas le même effet pour tout le monde mais, dans mon cas, cela aide beaucoup à apprivoiser une crise de migraine. Je garde aussi un verre d’eau glacé à mes côtés pour éviter que je me déshydrate.
  6. Si je sens que la migraine est liée en quelque sorte à un trouble digestif, je mâche du chewing-gum.
  7. Une autre astuce pratique est celle de l’auto-massage. Je me concentre surtout sur la nuque, le visage (entre les yeux et au niveau des tempes) et la tête.
  8. Pour aider à détendre mes yeux, j’utilise des cotons imbibés d’eau de fleur d’oranger. L’eau de fleur d’oranger est très abordable dans la plupart des marchés ethniques. Je garde la bouteille au réfrigérateur pour qu’elle soit bien froide en cas de besoin. Je trouve également que l’odeur de la fleur d’oranger est très apaisante et me procure du bonheur.
  9. Enfin, si rien de marche, je prends un antidouleur et je fais une sieste d’au moins 30 minutes.

Je recommande vivement aux migraineux(ses) d’écrire leurs astuces préférées sur un morceau de papier au préalable parce qu’on a tendance à oublier une fois que la douleur se présente.

Niveau hygiène de vie, j’essaye de bien dormir et de trouver des activités physiques qui me plaisent. J’évite aussi de sauter des repas.

Q : D’après votre propre expérience, quels sont les principaux déclencheurs d’une migraine?

R : Je pense que les changements hormonaux sont l’un de mes principaux déclencheurs. D’ailleurs, j’ai toujours une migraine juste avant mes règles. Les compresses chaudes sur le bas du ventre m’aident beaucoup pour calmer la douleur.

La surcharge sensorielle est aussi un déclencheur pour moi: par exemple, si je suis sous le soleil pour une longue durée ou si je travaille dans un environnement très bruyant. Certains aliments semblent aussi augmenter la fréquence et l’intensité de mes migraines.

Q : Y a-t-il des aliments que vous limitez ou que vous évitez à cause de vos migraines ?

R : Oui. Je fais attention à la quantité d’aliments gras que je consomme: tout ce qui est noix, beurre de cacahuète, fritures, chocolats et crèmes.

Je limite aussi les produits laitiers, en particulier le lait et les fromages affinés parce qu’ils perturbent mon système digestif. D’ailleurs, j’évite plusieurs aliments qui activent mon SCI tels que les aliments épicés, les aliments trop acides (comme les agrumes et la sauce tomate en conserve), l’ail et les oignons crus.

Je fais aussi des cures de probiotiques et j’essaie de gérer mon stress pour améliorer ma qualité de vie.

Q : Quelles activités pratiquez-vous pour vous détendre?

R : J’aime beaucoup les marches dans la nature, surtout dans les forêts et en bord de mer. Ça me procure un sentiment de légèreté à tous les niveaux. Je ne me lasse jamais de redécouvrir la beauté de la faune et de la flore autour de moi. J’aime prendre des photos des animaux et des insectes que je rencontre en cours de route. C’est vraiment amusant pour moi et c’est de beaux souvenirs aussi. Si je suis en ville, j’aime découvrir des petites ruelles et de nouveaux endroits. L’idée de me perdre dans un décor familier me plait beaucoup.

Si je me sens submergée par la peur ou l’inquiétude, j’écris mes pensées sur un morceau de papier ou bien je les enregistre dans des mémos vocaux sur mon téléphone. Puis, j’essaye de faire le plein avec une activité créative et amusante ou encore du contenu positif sur Netflix ou YouTube. L’objectif est tout simplement d’essayer d’arrêter de focaliser sur la chose qui me stresse et de me remettre sur un train de pensée qui est constructif plutôt que destructif.

Je trouve aussi du plaisir à avoir une routine matinale pour m’aider à démarrer la journée du bon pied. Que ce soit 10 ou 60 minutes, j’aime passer ce temps à faire des choses qui me réconfortent et me dynamise. Ça peut être aussi simple que de regarder par la fenêtre et respirer de l’air frais, de faire quelques étirements en écoutant de la musique ou encore de prendre le temps de se préparer et de manger un bon petit-déjeuner. Je prends aussi du temps pour nourrir ma vie spirituelle, que ce soit à travers des lectures ou des prières.

Q : Y-a-t-il quelque chose que peu de gens savent à propos des migraines?

R: Plusieurs personnes s’étonnent des symptômes neurologiques qui se présentent chez certaines personnes souffrant de migraines. On parle de migraine avec ou sans aura. Les auras sont des perturbations sensorielles qui apparaissent généralement juste avant une crise de migraine et peuvent affecter l’ouïe, la vision ou encore la capacité de parler. Dans mon cas, je vois souvent un tas de petites lumières bleues qui flottent autour de moi. Je trouve ça très beau maintenant mais, forcément, j’ai eu peur la première fois que c’est arrivé.

Q : Un conseil pour aider une personne en plein milieu d’une migraine?

R : Une présence sereine est toujours appréciée. Personnellement, lorsque j’ai une migraine, les bruits forts et les lumières vives sont très difficiles à gérer, alors je suis toujours très reconnaissante des personnes qui tiennent compte de cela.

Que ce soit un service, une écoute ou tout simplement une présence, il suffit souvent de peu pour réconforter quelqu’un qui traverse un moment difficile. Parfois, c’est tout simplement donner de l’espace et du temps à la personne pour se rétablir à son rythme, et ce, sans aucun jugement. La patience et la compréhension sont vraiment inestimables.

Q : Quel conseil donneriez-vous aux personnes qui souffrent des mêmes maux que vous?

R : Soyez patient avec vous-même et trouvez des personnes de confiance à qui parler. La maladie n’apporte pas que des malheurs. Lorsqu’une porte se ferme, il y en a toujours une autre qui s’ouvre. Les examens de la vie sont, entre autres, une belle occasion pour approfondir les liens avec les autres et prendre conscience des personnes qui nous sont le plus cher. Il arrive parfois de faire une partie du chemin seul, mais tout arrive au moment opportun. Lorsqu’on a foi en l’avenir, on se libère de plusieurs chaines qui nous emprisonne.

Q : Avez-vous tiré du positif de cette épreuve?

R : Oui. C’est vital d’ailleurs. Le passage de l’obscurité à la lumière ne tient qu’à un fil. Mes problèmes de santé m’ont appris à développer un esprit combatif tout en cultivant une douceur pour l’humanité. J’essaie de me rappeler que cette douleur ne me définit pas. Ça ne dit rien de moi en tant que personne. J’essaie de tirer le meilleur parti de chaque situation et d’apprendre à accepter les choses qu’on ne peut pas changer.

C’est dans l’adversité que je me suis dévoilée à moi-même, avec mes forces et mes failles. On développe une nouvelle perspective sur le quotidien et on apprend à regarder les gens bien au-delà de leur apparence. En réalité, personne ne quitte cette terre sans cicatrices. La seule différence est que certaines cicatrices demeurent invisibles.

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