5 plats emblématiques de la fête musulmane Aïd al-Fitr

Publié : 4 mai 2022

L’Aïd al-Fitr, fête de la rupture du jeûne du Ramadan, est célébrée par les musulmans du monde entier après un mois entier de dévotion. Les festivités, qui peuvent durer jusqu’à trois jours, permettent à toutes et à tous de se réunir et de se réjouir autour d’un délicieux festin.

Les plats servis à l’Aïd al-Fitr diffèrent considérablement selon le pays d’origine, ainsi que les traditions propres à chaque famille.

Je saisis donc cette opportunité pour plonger dans le monde des cultures alimentaires qui fleurissent au sein des communautés musulmanes. Sans plus attendre, voici quelques plats emblématiques des célébrations de l’Aïd pour les musulmans des quatre coins du monde.

1. Seffa Medfouna (Maroc)

Seffa Medfouna est un plat marocain qui met en vedette du poulet au safran enterré par un dôme de vermicelles ou de cheveux d’anges cuits à la vapeur. Le tout est décoré avec de la cannelle, des raisins secs caramélisés, du sucre glace et de la poudre d’amandes.

Le msemen, le baghrir ou encore le tajine au poulet et aux olives sont monnaies courantes dans les familles marocaines pendant le temps des fêtes. Ainsi, pourquoi pas s’aventurer hors des sentiers battus pour dénicher la savoureuse seffa medfouna?

À première vue, la seffa medfouna se présente comme un monticule de vermicelles cuites à la vapeur, et décoré de raisins secs caramélisés, de sucre glace, d’amandes moulues et de cannelle. Hors, tout comme un oeuf Kinder, une petite surprise se cache à l’intérieur! Le terme arabe “medfouna” (signifiant “enterré”) fait référence au poulet parfumé au safran dissimulé à l’intérieur du dôme de vermicelles. Mijoté dans un mélange de beurre et d’huile, le poulet est infusé d’une sauce au safran contenant du gingembre moulu, de la poudre de curcuma, des oignons et de la coriandre fraîchement hachée. Un parfait hommage au caractère sucré-salé de la scène culinaire marocaine.

De nombreuses recettes précisent la possibilité de remplacer les vermicelles par des cheveux d’anges ou encore du couscous. Certaines ajoutent également des amandes grillées pour plus de croquant, tandis que d’autres insistent sur l’ajout du mélange d’épices ras al hanout pour un résultat plus authentique.

2. Kleicha (Iraq)

Ces biscuits fourrés aux dattes et au cardamome sont appelés Kleicha en Iraq.

Considéré comme le biscuit national irakien, les kleichas sont préparés à l’aide d’une pâte levée (qui ne contient pas d’œufs) et d’une garniture à base de dattes et de cardamome. Naturellement, étant un des plus gros producteurs mondiaux de dattes, il n’est surprenant que l’Iraq sache mettre à l’honneur la datte dans sa culture culinaire.

Pour parfumer ces pâtisseries sucrées, les options sont nombreuses: eau de rose, graines de nigelle, noix concassées et graines de sésame grillées parmi tant d’autres. Il existe même des recettes de kleicha au fromage!

La communauté musulmane irakienne n’est pas la seule à déguster les kleichas pour marquer les occasions spéciales. Il en va de même pour la communauté chrétienne à Noël et à Pâques. Ces biscuits étaient également très populaires dans le cadre de la fête de Pourim lorsqu’il y avait une communauté juive bien établie en Irak.

Avec des racines remontant à l’ancienne Mésopotamie, l’ancêtre de la kleicha, appelé qullupu, était autrefois préparé par les anciens Sumériens pour célébrer le Nouvel An. L’histoire de la civilisation sumérienne s’étend sur plus de 3000 ans! D’ailleurs, cette civilisation, décrite comme ayant “un flair inhabituel pour les inventions technologiques1” par l’expert Samuel Noah Kramer, est à l’origine du système sexagésimal que nous utilisons en partie aujourd’hui dans la mesure du temps en heures, minutes et secondes.

3. Manti (Asie centrale/Eurasie)

Raviolis manti servies avec une sauce crème sûre et aneth

Ces raviolis, farcies à la viande et aux épices, sont préparées à partir d’une pâte étalée très finement. La farce des manti varie considérablement en fonction des saisons et des goûts personnels. D’ailleurs, vous trouverez certaines recettes qui incluent des petits morceaux de citrouille, de courge ou de pomme de terre dans la farce.

La cuisson à la vapeur est généralement privilégiée bien que certaines recettes d’Asie centrale favorisent la friture ou encore une cuisson à l’eau. Les sauces qui accompagnent les manti sont également nombreuses. Parmi elles, on compte la crème sure, la sauce tomate épicée, l’huile de piment ou encore “une couverture crémeuse de yogourt à l’ail”2.

L’origine de ces raviolis demeure quelque peu incertaine. Très populaires en Asie centrale / Eurasie, les manti sont très répandus en Turquie, en Afghanistan, en Russie, dans les ex-républiques soviétiques d’Asie, ainsi qu’au sein de la cuisine islamique chinoise. D’ailleurs, on pense que les premières recettes de manti proviennent de chez les Ouïghours en Chine. Celles-ci auraient ensuite été transmises à d’autres cultures via la route de la soie.

Attention à ne pas confondre les manti (appelés kaskoni en Ouzbékistan) avec d’autres spécialités culinaires traditionnelles, notamment les khinkalis géorgiens, les momos tibétains ou encore les fameuses raviolis italiennes.

4. Baklava & Loukoum (Turquie)

Baklava est un dessert constitué de fines feuilles de pâte phyllo remplies de noix concassées et sucrées avec du miel ou du sirop.

Les baklavas sont un incontournable pour les Turcs musulmans lors des célébrations de l’Aïd. Ces spécialités faites à partir de fines feuilles de pâte phyllo sont imbibées dans du sirop ou du miel et généralement farcies avec des pistaches ou des noix de Grenoble. Il existe également des baklavas fourrées aux noisettes dans la région de la mer Noire.

Loukoum servi avec du café turque à “Troya Turkish Delight & Baklava” à Monterey en Californie.

Un autre favori est le “Turkish delight”, également connu sous le nom de loukoum. Ce dessert unique en son genre est à base d’amidon et de sucre, et souvent parsemé de noix hachées. De nos jours, il existe une variété de saveurs pour cette confiserie d’origine ottomane, qui se vendait autrefois dans les boutiques d’apothicaires tenues par des pharmaciens arabes comme remède contre les maux de gorge. De l’eau de rose aux pistaches en passant par la bergamote et même le chocolat, il y en a vraiment pour tous les goûts !

Au fil des ans, cette douceur amusante et intrigante s’est glissée dans les œuvres d’un certain nombre d’écrivains, dont l’auteur C. S. Lewis, à qui l’on doit le Monde de Narnia. Dans son premier ouvrage pour les enfants paru en 1950 intitulé “Le Lion, la sorcière et la garde-robe”, le loukoum fut présenté comme l’ultime désir d’Edmund, le troisième enfant de M. Pevensie et de son épouse Helen.

« Il est ennuyeux, Fils d’Adam, de boire sans manger, dit la reine. « Qu’aimeriez-vous manger le plus ? »

« Turkish Delight, s’il vous plaît, votre Majesté », a déclaré Edmund.

CS Lewis – Le Lion, la sorcière et la garde-robe. Chroniques de Narnia

Pourquoi cette fascination de Lewis pour les loukoums? D’après la critique gastronomique Cara Strickland, les loukoums avaient un grand succès à la fin de l’époque victorienne au Royaume-Uni. Ces bonbons, venus de Turquie, avaient d’ailleurs marqué l’enfance de l’écrivain britannique. Or, au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, ces petites confiseries gélatineuses sont devenues plus chers et difficiles à trouver. Cette période de rationnement pourrait-elle expliquer la valeur accordée aux loukoums dans cette fameuse scène de Narnia? Edmund serait-il une personnification d’une nostalgie d’enfance de Lewis?

“Pour Edmund, les loukoums représentaient un moyen de retrouver des moments plus heureux, lorsque sa famille était réunie et que l’avenir n’était pas gâché par un conflit mondial,” écrit Strickland. “Il est difficile de lui reprocher d’avoir saisi la boîte offerte par la sorcière et de s’être gavé de loukoums dans l’espoir de rattraper le temps perdu3

5. Tufahija (Bosnie-Herzégovine)

Tufahija est un dessert très populaire en Bosnie-Herzégovine composé d’une pomme cuite dans un sirop et farcie de noix sucrées. Le tout est généralement garni de crème fouettée.

Le Tufahija est un favori de l’Aïd qui est souvent accompagné d’une tasse de café corsé. Facile à réaliser, ce dessert est très populaire en Bosnie-Herzégovine, ainsi qu’en Serbie, en Macédoine et en Croatie. Il est essentiellement composé de pommes pelées et pochées au sirop de sucre, puis farcies d’une garniture aux noix de Grenoble. Cette dernière est essentiellement un mélange de sucre, de beurre et de noix trempées dans du lait chaud. En guise de garniture, on retrouve généralement de la crème fouettée, et parfois même des cerises.

Sources

Aida. (2015). “Stewed Stuffed Apples in Syrup (Tufahije)”. Balkan Lunch Box.

Bambling, Michele and Fenton, Rebecca. Center for Folklife and Cultural Heritage. (2020). “How to Make the Ancient Iraqi Cookie that Signals the End of Ramadan”. Smithsonian magazine.

Becky. (2014). “Tufahija: Bosnian stewed apple dessert”. Kid World Citizen.

Benlafquih, Christine. (2020). “Seffa Medfouna Recipe – Broken Vermicelli or Couscous with Chicken, Lamb or Beef”. Taste of Maroc.

Chrystal, Paul. (2021). “The History of Sweets”. Pen and Sword History. 256 pages.

Cosmo, Serena. (2017). “The Ultimate Pasta and Noodle Cookbook”. Cider Mill Press; Illustrated edition.

Dadoun, Sarah-Eden. (2019). “Kleicha”. 196 flavours.

Ergil, Leyla Yvonne. (2021). “Turkish and Ottoman traditions for Eid al-Fitr: A time for gratitude”. Daily Sabah.

Geerts Erlend. (2013).’‘What Is Baklava – and Where To Find the Best Baklava in Istanbul?”. Witt Magazine.

Jestrovic, Silvija. (2013). “Performance, Space, Utopia-Cities of War, Cities of Exile”. Palgrave Macmillan. 226 pages.

Kolesnichenko, Peter. (2016). “Manti steamed dumplings”. Peter’s Food Adventures.

1 Kramer, Samuel Noah. (1963). “The Sumerians-Their History, Culture, and Character”. University of Chicago Press. p.3.

Lozano, Gabriella. (2021). “Kleicha: History and Culture”

2 Malouf, Greg and Malouf, Lucy. (2008). “Turquoise: A Chef’s Travels in Turkey”. p.240.

Mark, Joshua J. (2012). “Sumerian Civilization: Inventing the Future”. World History Encyclopedia.

Rania, staff member, Keshen Goodman Public Library. (2021). “Celebrating Eid al-Fitr: History, Traditional Foods, and a Recipe”. Halifax Public Libraries.

3 Strickland, Cara. (2016). “Why Was Turkish Delight C.S. Lewis’s Guilty Pleasure?”. JSTOR Daily.

Wilson, Josh and Nesterov, Andrei. (2020). “Manti, Pozi, Bauzi: More Than Just Another Dumpling”. Folkways: The Roots and Influence of Modern Cultures.

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